J'ai tourné dans le clip de Tom Poisson : Trois bleus de plus.

A l'aube de l'été, Tom m'a appelée : 
Tom : "Claire, j'ai rêvé de toi.
Moi : Ah ouais...euh, c'est gênant, Tom...
Tom : Ah non, pas du tout ce genre de rêve.
Moi : ah...
Tom : Je voudrais que tu tournes dans mon prochain clip.
Moi : Cool ! Ca cause de quoi?
Tom : D'une femme battue."
On était en effet très, très loin du rêve érotique. Ca m'étonnait en même temps. Evidemment, j'ai dit oui tout de suite. Tom me connait bien. Il ne prenait pas trop le risque d'essuyer un cinglant refus. Et en plus, il avait d'autres arguments, le gaillard : c'était en famille avec à la réalisation Fernando De Azevedo, à la régie Aurélie Ruste et à la comédie Nicolas Guillot.

Mais j'avoue que je ne m'attendais pas à un tournage si intense. Oui, j'ai pris cher. Et pas seulement grâce au merveilleux travail make up de Sandrine Denis. Non, juste parce que ça m'a remuée les tripes . Et ce n'est pas Fernando (le réal) qui va me contredire. Son idée de caméra subjective qui symbolise l'agresseur afin de ne pas le stéréotyper était chouette, sauf que du coup, c'est lui qui devait faire mine de me cogner. Et c'était drôle de voir à quel point il avait du mal à être violent. Même pour de faux.

Quant à moi, je n'ai pas eu besoin d'aller piocher bien loin dans mes émotions. Alors, attention, loin de moi l'idée de venir faire la moindre comparaison avec toutes ces femmes qui sont violentées physiquement tous les jours, la peur au ventre H24. J'ai cette chance immense de ne jamais avoir été battue physiquement, je ne sais donc pas ce que c'est. Point. C'est plus la violence psychologique que j'ai expérimentée et dont je me suis servie pour tenter d'honorer ce rôle. Ce tournage m'a libérée d'une colère et d'une tristesse que j'avais bien tapies au fond de moi. La violence envers les femmes est multiple et encore bien trop présente aujourd'hui.

J'avoue que j'attends avec impatience l'audit du Grenelle contre les violences conjugales qui doit être rendu le 25 Novembre ainsi que la Manif du 23 novembre organisée par le collectif "NOUS TOUTES" à Paris. Parce qu'on en était quand même à 124 femmes tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint en date du 22 octobre de cette année. STOP, hein.
Beaucoup de choses sont à faire, notamment au niveau du personnel qui est amené à accueillir de quelques façons que ce soit les femmes victimes de violences. Ne nous voilons pas la face : nous sommes dans une société patriarcale et donc sexiste avec une tenace culture du viol et nos institutions n'en sont pas épargnées. Mais ça bouge. Et on va tout faire pour que ça continue ! Pour nos filles, nos mamans, nos soeurs, nos cousines, bref plus de 50% de l'humanité. Et qu'on soit bien claire : s'occuper de la cause des femmes ne se fait jamais aux détriments des hommes. J'ai parfois la sensation que cette idée ne passe pas partout...

Si la douce mélodie de Tom peut sembler noyer le poisson (pardon mais j'étais obligée..oui, j'ai honte), les images moins. Certains de vos retours m'ont particulièrement touchée, ceux-celles qui n'ont pas encore vu, j'attends les vôtres ! Et si vous avez envie de partager, ne réfrénez pas cette merveilleuse impulsion surtout, vous ferez d'une pierre, deux coups : promouvoir un artiste, un vrai de vrai, genre qui est habité et continuera, quoi qui se passe, et servir une cause qui en a encore tellement besoin. Un grand merci à vous tous. Oui, toi aussi.

 Je rêve qu'un jour ton clip soit totalement hasbeen, Tom. Que les jeunes disent : "Vous étiez bizarres à votre époque." Si on s'y met tous, un jour, ce rêve deviendra réalité.